L’architecture et le temps sont inextricablement liés. Tout projet de construction s’appuie sur un environnement bâti développé au fil des siècles. Toute innovation est axée sur l’avenir. Mais le temps presse si nous voulons offrir une belle perspective aux générations futures. L’architecture contemporaine évolue avec son temps, mais semble en même temps lutter contre lui. On construit de plus en plus vite, mais les bâtiments semblent aussi dater plus rapidement. En tout état de cause, la durée de vie de nos bâtiments ne s’améliore pas.
Dans How Buildings Learn, Stewart Brand a écrit : Tous les bâtiments sont des prédictions et toutes les prédictions sont fausses. En effet, avec le temps vient l’incertitude. Notre société en constante évolution donne lieu à toute une série de scénarios pour l’avenir. Certains sont déjà plus probables que d’autres. Leur complexité et leur multiplicité sont impossibles à appréhender et leur planification est une tâche difficile. Mais cette complexité cache aussi une opportunité. La chance qu’un bâtiment prenne vie au fil du temps. Que les utilisateurs y apportent des modifications dans la durée afin de rendre le bâtiment toujours plus adapté à leurs besoins.
Malheureusement, le temps qui passe semble être l’ennemi de l’architecture aujourd’hui. Immédiatement après l’achèvement des travaux, un processus continu de détérioration s’enclenche, qui aboutit souvent à la démolition après une cinquantaine d’années. Ne pourrait-on pas mieux concevoir en tenant compte du temps ? En utilisant des matériaux qui gagnent en caractère au fil du temps. En prévoyant la possibilité de procéder facilement à des réparations ou des remplacements. De cette manière, nous ferions du temps un acteur du processus créatif de développement des bâtiments. Ce processus ne s’arrêterait pas à la livraison, mais atteindrait sa vitesse de croisière à chaque entretien ou ajustement. Pour ce faire, nous avons besoin de davantage de connaissances sur le processus de vieillissement des bâtiments et de leurs matériaux. Et nous devons rétablir le lien entre les utilisateurs et leurs bâtiments.
Au Japon, des temples en bois se dressent depuis plusieurs siècles, voire dizaines de siècles. Le respect et l’entretien ne sont là-bas pas seulement une nécessité, ils font partie d’une culture. Pourquoi une telle culture de la construction ne serait-elle pas possible en Europe ? Même pour les bâtiments ordinaires. Avec un peu plus d’attention, ils devraient aussi pouvoir durer plusieurs siècles. C’est pourquoi j’aimerais plaider pour plus d’amour et d’appréciation des matériaux et des bâtiments. Il est grand temps.
Stijn Brancart
Maître de conférences à la Faculté d’Architecture de l’Université technique de Delft, expert en construction circulaire et en structures bois