ZIN est sans aucun doute l’un des projets de construction les plus remarqués de ces dernières années. L’objectif était donc très ambitieux : transformer de manière circulaire deux tours de bureaux emblématiques en un complexe multifonctionnel qui pourrait (enfin) donner un nouveau souffle au Quartier Nord de Bruxelles. Quatre ans après le début des travaux de déconstruction, la fin du chantier est en vue. L’Administration flamande a déjà emménagé dans le bâtiment Marie-Elisabeth Belpaire au printemps dernier, les appartements, les bureaux privés et le jardin d’hiver sont également terminés et l’hôtel The Standard sera prêt au cours du premier semestre 2025. Gilles Bollens et Loïk Eyers de Jaspers-Eyers Architects nous proposent une visite virtuelle et nous expliquent les défis que l’équipe de conception et le consortium d’entrepreneurs ont dû relever pour parvenir à ce résultat impressionnant.
Avec ses trois gratte-ciel qui comptaient parmi les plus hauts bâtiments de Belgique, le célèbre World Trade Center a longtemps été un élément incontournable de l’horizon bruxellois. La tour 3 l’est toujours, mais les tours 1 et 2 du WTC, qui dataient de 1976 et ne répondaient plus aux normes actuelles, ont entamé une seconde vie. Cela s’est fait sous l’impulsion du gouvernement flamand qui, suite à l’expiration de certains baux, a conçu une stratégie immobilière tournée vers l’avenir en regroupant ses services administratifs et ses collaborateurs – jusque-là répartis sur six sites différents – dans trois grands immeubles de bureaux situés dans le Quartier Nord. Cela a déjà conduit à la rénovation du bâtiment Hendrik Conscience et à la réalisation du bâtiment Herman Teirlinck, mais la pièce maîtresse de cette opération de relocalisation à grande échelle est sans aucun doute le bâtiment Marie-Elisabeth Belpaire, qui fait partie du célèbre projet ZIN.
Pour mener à bien la transformation des tours 1 et 2 du WTC, l’agence des services facilitaires du gouvernement flamand a lancé en 2017 un appel d’offres dans lequel la qualité architecturale et la création de valeur ajoutée spatiale et sociale constituaient d’importants critères d’attribution. Befimmo a remporté l’appel d’offres en mars 2019 avec un concept qui va bien au-delà de la fonction de bureau demandée, portant également l’expérience urbaine dans le Quartier Nord, jusqu’ici monofonctionnel, à un niveau supérieur. En effet, outre 70 000 m² d’espaces de travail flexibles pour quelque 4800 fonctionnaires du gouvernement flamand, le projet ZIN prévoit également 5000 m² d’espaces de bureaux pour des locataires privés, 14 000 m² d’unités de logement, un hôtel de 16 000 m², des installations sportives, des services de restauration, des commerces, une toiture-terrasse panoramique et même un jardin d’hiver accessible au public d’une superficie de 1800 m² et d’une hauteur de 20 mètres à l’intersection des boulevards Simon Bolivar et Roi Albert II, qui, en tant que hall d’entrée transparent, dialogue ouvertement avec le reste de la ville. Au total, le complexe couvre une surface hors sol de 110 000 m².
Le projet ZIN n’était certes pas le premier coup d’essai de Befimmo, mais la barre était placée plus haut que jamais. Afin de traduire le concept novateur en un projet global, le promoteur a d’abord fait appel à Jaspers-Eyers Architects, avec qui il avait déjà collaboré avec succès à plusieurs reprises (notamment pour la réalisation du projet Quatuor, un peu plus loin). Dans un deuxième temps, les architectes 51N4E et l’AUC sont également intervenus. « En concertation avec nous, ils ont élaboré le concept architectural de base, après quoi nous nous sommes occupés de la demande de permis et de l’exécution », explique Loïk Eyers, architecte-gérant chez Jaspers-Eyers Architects.
« L’approche multifonctionnelle du projet a nécessité des solutions inventives », explique Gilles Bollens, architecte principal du projet chez Jaspers-Eyers Architects. « En effet, les hauteurs d’étage n’étaient pas adaptées aux besoins techniques actuels. Nous avons donc élaboré un agencement en strates afin d’imbriquer de manière optimale les différentes fonctions, en alternant continuellement les étages de bureaux et d’hôtel dans une tour et les étages de bureaux et de logement dans l’autre. Cela nous a permis d’attribuer un peu plus de hauteur libre aux bureaux du gouvernement flamand, qui occupent 14 des 27 étages de la tour, et un peu moins à l’hôtel et aux appartements, qui n’en ont pas tant besoin et sont plus faciles à gérer sur le plan technique. Nous avons également eu l’idée de créer une grande connexion entre les deux tours, notamment par le biais d’un nouveau volume très vitré comprenant 14 étages de bureaux à double hauteur. Ces derniers présentent des hauteurs libres exceptionnelles de 5,5 à 6 mètres, permettant un éclairage naturel optimal dans la partie centrale du complexe. Les bureaux privés sont quant à eux logés dans un nouveau volume plus bas de quatre étages situé à l’intersection de la chaussée d’Anvers et de la rue Willem De Mol, qui a été baptisé ZEN. »
Rénover deux tours de plus de 100 mètres de haut et les fusionner en une seule unité multifonctionnelle constituait déjà un défi. En outre, l’intention était dès le départ de mettre en pratique les principes de la construction circulaire dans toute la mesure du possible. « L’une des principales exigences était de limiter les travaux de démolition au strict nécessaire et de démanteler le bâtiment en vue de sa réutilisation, afin d’utiliser au maximum les matières premières existantes », explique Loïk Eyers. « Nous avons donc conservé les noyaux de circulation en béton, ainsi que les fondations et une grande partie des sous-sols. Autour de ces éléments, nous avons ensuite construit les nouveaux niveaux hors-sol avec des hauteurs de plafond adaptées. Cela nous a permis d’économiser une énorme quantité de CO2. Par ailleurs, nous avons récupéré de nombreux éléments intérieurs afin de minimiser les déchets de construction. Par exemple, les revêtements muraux des halls d’ascenseurs, qui dataient des années 1970 mais étaient encore en bon état, ont été vendus, panneau par panneau, dans un magasin pop-up au pied du bâtiment. De la même façon, nous avons revendu beaucoup d’autres matériaux que nous avons réussi à récupérer, mais que nous ne pouvions pas nécessairement réutiliser nous-mêmes. »
Cette approche résolument circulaire a porté ses fruits. Le complexe comprend 68% de matériaux réutilisés ou recyclés sur place (dont 30 000 tonnes de béton circulaire) et 95% des nouveaux matériaux sont certifiés « Cradle to Cradle » ou équivalent (vitrages et fenêtres en aluminium, sols, murs, enduits, etc.). En termes de durabilité globale, le projet ZIN obtient également d’excellents résultats. ∂
Ainsi, le bâtiment Marie-Elisabeth Belpaire n’est pas seulement le plus grand immeuble de bureaux circulaire du pays, mais avec un niveau E de 15, il est aussi l’implantation la plus économe en énergie du gouvernement flamand. Cela est dû en partie au système de climatisation géothermique basé sur le stockage de chaleur et de froid, qui couvre 70% des besoins de chauffage et de refroidissement, ainsi qu’aux panneaux photovoltaïques installés sur le toit et les façades latérales. Grâce à sa structure polyvalente et à ses finitions démontables, le complexe peut être facilement adapté aux besoins de demain et est déjà prêt pour de futurs réaménagements et/ou changements fonctionnels.
Outre la durabilité et la circularité, les architectes ont dû tenir compte de nombreuses autres exigences et contraintes. À cet égard, le projet ZIN a été un grand exercice d’équilibre, souligne Gilles Bollens. « Nous avons dû mettre en balance tous les paramètres circulaires, géométriques, techniques, structurels, incendie et économiques. Il n’était pas évident de trouver un bon compromis entre la réutilisation maximale des structures et des matériaux existants et la haute qualité du nouveau projet, qui doit évidemment répondre à toutes les normes actuelles les plus strictes. D’où la décision de construire les nouvelles structures principalement en béton, car il s’agissait du meilleur rapport entre le prix, la qualité, la performance et la résistance au feu dans un immeuble de grande hauteur. Par ailleurs, l’idée d’étages superposés avec des hauteurs variables d’un étage à l’autre a créé des défis supplémentaires en termes de coordination technique. Par exemple, les systèmes de chauffage et de ventilation des appartements diffèrent considérablement de ceux des bureaux. Les tuyaux et gaines correspondants se croisent constamment, mais ne pouvaient jamais entrer en conflit. L’intégration de toutes les installations techniques a donc été un véritable casse-tête. »
Après l’obtention par Befimmo du permis de construire et du permis d’environnement en mars 2020, le démantèlement des tours WTC 1 et 2 a débuté en septembre 2020. En juillet 2021, le consortium Open Minds Bouw – composé de Van Laere, BPC, VMA et CFE – a entamé la reconstruction et la réalisation des nouvelles parties du bâtiment. « Comme nous construisions sur des structures existantes, nous avons eu quelques surprises ici et là. Par exemple, nous avons découvert qu’en réalité une tour était 10 centimètres moins haute que l’autre. Cela ne pose pas de problème si elles sont séparées – comme c’était le cas à l’origine – mais cela en pose lorsque vous les reliez. Nous avons donc dû résoudre ces problèmes en pleine phase d’exécution, sans toucher au concept architectural et structurel de base, bien entendu », explique Gilles Bollens.
« Néanmoins, nous avons réussi à livrer le bâtiment Marie-Elisabeth Belpaire en décembre 2023 et le gouvernement flamand a pu le mettre progressivement en service cette année. ∂
Les 127 unités résidentielles, les espaces commerciaux, les bureaux privés et le jardin d’hiver sont également terminés, et les travaux structurels pour l’hôtel viennent d’être finalisés. Nous sommes très satisfaits du résultat final, qui est remarquablement similaire aux toutes premières esquisses du complexe. Cela signifie que nous avons bien étudié les choses à l’avance, ce qui nous a permis de rester fidèles au concept de base malgré les nombreux défis que ce projet a posés. Nous pouvons tous en être fiers, à juste titre », conclut Loïk Eyers.
Polypane Glasindustrie – Vitrage isolant
Ne rien laisser au hasard : telle était la devise dans la réalisation du projet ZIN. Même le choix du vitrage extérieur, fabriqué sur mesure et fourni par Polypane Glasindustrie, a été méticuleux. « C’est pourquoi nous nous sommes assis très tôt autour de la table avec le bureau d’études VK architects+engineers et les architectes », explique Franky Symoens, administrateur délégué. « Le fait que nous soyons un acteur indépendant, non lié à un produit de base particulier, a été un atout majeur à cet égard. Après une longue recherche ouverte, basée sur les exigences techniques du cahier des charges et plusieurs études approfondies, la décision a été prise en mai 2021 – deux ans après les premières présentations de produits – et nous avons commencé les livraisons en septembre 2021.
Pour les tours, le choix s’est porté sur un vitrage avec une transmission lumineuse de 51% et une valeur g de 27 à 28%, tandis que pour le nouveau volume de liaison, c’est un vitrage avec une transmission lumineuse de 63% et une valeur g de 34 à 37% qui a été choisi. Les épaisseurs de verre varient en fonction de l’acoustique, de la charge du vent, de la résistance mécanique, de la sécurité, etc. sans que cela soit visible dans l’aspect de la façade. Il va de soi que toutes les façades au niveau du sol sont équipées de verre de sécurité. La circularité était évidemment aussi une préoccupation essentielle. C’est pourquoi nous avons choisi un fabricant ayant obtenu le certificat Cradle to Cradle Bronze, ce qui signifie que le vitrage peut être recyclé pour être réutilisé.
Au total, nous avons fourni 24 000 m² de triple vitrage isolant pour les façades. Nous avons également livré et monté 6300 m² de verre pour les terrasses des appartements, les zones d’entrée et le volume contenant les bureaux privés. Nous n’avons quitté le chantier qu’à la fin de l’année 2023. En tout, nous avons donc passé quatre ans et demi sur ce projet exceptionnel. En raison de circonstances défavorables – le COVID, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, … – la tâche n’a pas été simple, mais nous sommes néanmoins très heureux d’avoir pu apporter notre pierre à l’édifice ! »
G&A De Meuter – Travaux de démolition
Entre décembre 2019 et août 2021, les passants du Quartier Nord de Bruxelles ont été témoins d’un projet de démolition à grande échelle : le démantèlement des tours emblématiques WTC 1 et 2, géré par G&A De Meuter. La première phase, en grande partie invisible depuis la rue, comprenait l’élimination complète de l’amiante et le démantèlement du complexe, représentant une surface au sol de plus de 140 000 m². La seconde phase, bien visible quant à elle, a consisté en la démolition structurelle des deux tours de 100 mètres de haut et de leur socle, ce qui a donné lieu à un spectacle impressionnant. Même les cages en béton restantes ont été complètement évidées. Fait remarquable, plus de 100 000 tonnes de béton et de maçonnerie, 10 000 tonnes d’acier et 425 tonnes de verre ont été recyclées à 100%, prêtes à être réutilisées dans de futurs projets.